La résidence (ré)habiter le fleuve a rassemblé un équipage de douze architectes, artistes et paysagistes, associant deux équipes françaises et deux équipes québecoises, entremêlant différentes approches, habitudes de travail, réalités et imaginaires. Elle a été l’opportunité de développer pendant deux mois et sur deux territoires fluviaux (Nantes et la Loire & Montréal et le Saint-Laurent) un processus de recherche & création focalisé sur « l’eau comme bien commun ».
Collaboration des collectifs mit (Nantes) et Aman Iwan (Paris), et des agences Adhoc architectes et Vlan Paysages (Montréal),
à Montréal en octobre 2017, et à Nantes en novembre 2017.
Dans le cadre de la résidence métropolitaine internationale d’architectes organisée conjointement par la Maison régionale de l’Architecture des Pays de la Loire et la Maison de l’Architecture du Québec.
Avec le soutien du Service de Coopération et d’Action Culturelle du Consulat Général de France à Québec et de la DRAC des Pays de la Loire.
Partenaires associés : Nantes Métropole ; Institut Français ; Conseil des Arts et des Lettres du Québec (Calq).
Cette résidence croisée nous a mené à une immersion dans les environnements ligérien et laurentien. Elle a été le cadre de la création d’un récit et d’un milieu fictifs, inspirés d’une part des réalités divergentes et convergentes des territoires explorés et d’autre part des savoirs collectés auprès de spécialistes et d’habitants. Elle a donné lieu à une exposition, à un travail d’édition collective et à la publication du livre UNDA, (ré)habiter le fleuve.
Nous avons fait le choix d’aborder la résidence à travers une compréhension de « l’eau comme bien commun ».
S’inspirer du milieu de l’eau, c’est se rendre étranger à ce milieu terrestre que l’on croit connaître. Lors de nos explorations, nous avons ainsi cherché à examiner les potentiels hétérotopiques des situations relevées, à travers des enquêtes de terrain et la production de fictions. En s’inspirant de la divagation du fleuve dans et hors du tracé de son lit principal, tout en sortant de la lecture de la friche ou du délaissé qui nie systématiquement l’identité de ces lieux non-aménagés, comment laisser de la place à l’imprévu ?
La transposition des caractéristiques du milieu de l’eau comme bien commun à la terre, à tout le territoire, dans les usages comme dans le droit, nous a conduit à imaginer un libre déploiement du biotope intégrant les milieaux habités. À partir des situations réelles propres aux deux fleuves, les formats de recherche & création expérimentés, mêlant l’exploration, l’étude et la production de situations, invitent à une immersion en fleuvitoire réel et fictionnel.
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ESCALE #1 : Le Saint-Laurent / Montréal
Nous avons arpenté la ville, les rives du Saint-Laurent et quelques-unes des 320 îles de l’Archipel fluvial de Hochelaga. Nous avons prélevé de l’argile du lit du Saint-Laurent, nous avons navigué sur ses eaux et arpenté ses berges. Nous avons rassemblé des archives, recueillis des témoignages de passants et d’habitants de Montréal et nous avons rencontré neuf spécialistes du fleuve.
~ Explorations ~
Le centre-ville de Montréal, le vieux port de Montréal, l’île Saint Hélène, l’île Notre-Dame, la pointe Saint-Charles (en vélo).
Le Mont-Royal (à pieds)
Le canal de Lachine, le canal de l’Aqueduc et les rives de Verdun (à pieds et en vélo)
Les rapides de Lachine (en kayak)
L’île des Sœur et la voie maritime (en vélo)
Le port de Montréal (à pieds et en vélo)
L’île Charron (à bord de la navette fluviale)
Estuaire fluvial du Saint-Laurent à Québec (à pieds et en voiture)
Le remblai de Verdun (à pieds)
Verchères, en face de l’île Marie (à pieds et en bus)
~ Rencontres ~
Yves OTIS, membre des réseaux Remix the commons et Communautique.
Jean-Sébastien BÉRUBÉ, dessinateur de bande dessinée.
Michèle DAGENAIS, spécialiste d’histoire politique, urbaine et environnementale du Canada et professeure titulaire au département d’histoire de l’UdeM (Université de Montréal).
Christiane HUDON, spécialiste de l’écologie des plantes aquatiques, membre du GRIL (Groupe de Recherche Interuniversitaire en Limnologie), de l’Institut Canadien des Rivières, et professeure associée à l’UdeM (Université de Montréal).
Yenny Vega CARDENAS, chercheuse en droit à la Chaire de recherche du Canada en gouvernance urbaine, de l’eau et des services publics de l’UdeM (Université de Montréal) et vice-présidente du Centre juridique international des droits de la Nature.
Philippe GACHON, professeur d’hydro-climatologie au département de géographie et chercheur au centre ESCER (Étude et Simulation du Climat à l’Échelle Régionale) à l’UQAM (Université du Québec à Montréal).
Simon PAQUIN & Lancelot TREMBLAY, respectivement fondateur et capitaine d’ÉcoMaris, organisme à but non lucratif et voilier-école œuvrant au programme de réinsertion sociale Sextant.
Charles ORMSBY, ingénieur en génie civil, chargé des services en gestion de l’eau chez ARUP au Canada.
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ESCALE #2 : La Loire / Nantes
Nous avons habité la galerie de la Maison de l’architecture des Pays de la Loire et avons fait de ce lieu d’exposition notre espace de vie et de travail collectif. Nous avons continué d’alimenter notre recherche par des explorations des rives de la Loire et par la rencontre de six spécialistes et habitants du fleuve et d’une céramiste. Nous avons navigué dans le flux et le reflux de la marée.
Nous avons développé au cours de cette deuxième moitié de résidence le récit fictif qui évoque les deux milieux fluviaux explorés, et qui sert de trame à l’écriture collective.
~ Explorations ~
Le centre-ville de Nantes, l’île de Nantes (à pieds, en tram et en vélo)
Trentemoult (en navette fluviale)
Le Bas-Chantenay (à pieds et en vélo)
Des chantiers de l’Esclain jusqu’à Bouguenais et Indre en aval, et jusqu’au pont Anne de Bretagne et au pont de Pirmil en amont (en bateau)
~ Rencontres ~
Martine STAEBLER, géographe, ancienne directrice du groupement d’intérêt public (GPI) Loire Estuaire, membre du comité de pilotage du Grand Débat Loire et coordinatrice de la Conférence Permanente Loire (CPL).
Thomas & Manolito, deux travellers rencontrés dans le Bas-Chantenay ayant habité plusieurs années dans le campement installé au pied du bâtiment Cap 44, en bord de Loire.
Quentin VIGNEAU, propriétaire et gestionnaire du chantier naval de l’Esclain.
Tibo LABAT, architecte, urbaniste et membre fondateur du collectif Fertile (2010).
Hélène MORBU, céramiste.
Pascal FOURRIER, vice-président de la Maison de l’Architecture des Pays de la Loire et architecte associé de AIA Life Designers.
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PROCESSUS de recherche & création
Afin de construire un langage commun aux deux contextes nantais et montréalais, un travail d’exploration lexicale a été initié dès la toute première réunion de l’équipage. Elle interrogeait dès l’abord les regards spécifiques et imprégnations culturelles que l’équipage apportait avec lui avant même de se lancer dans la recherche. Cette exploration lexicale nous a conduit à interroger la place du récit dans la fabrication de la ville à travers la constitution progressive d’un lexique commun regroupant champs lexicaux, historiques et politiques spécifiques aux différentes situations rencontrées. Cette recherche a également pointé l’emploi du préfixe ré- dans l’intitulé même de la résidence. Ce préfixe, relevé dans les récits d’urbanisation, marque une volonté de modifier le sens habituellement employé, tout en présupposant une absence de sens préalable. On voit vite à quoi mène le fait de pointer une obsolescence du terme “habiter” : A-t-on déjà habité le fleuve ? Quel sens, quel intérêt à rendre le fleuve habitable ? À qui cela s’adresse ? De quel habiter s’agit-il ? Qu’est-ce que pourrait être un monde ouvert autour du fleuve ? Depuis que l’espace est devenu territoire, depuis que le cours de l’eau est technicisé, comment peut-on penser une ville qui laisse de l’air, de la place à la rencontre, au provisoire, au passage, au séjour, à un minimum d’ouverture ?
Le travail collectif s’est ensuite articulé autour de la création d’un fleuvitoire : un milieu fictif, modelé par superposition des deux environnements fluviaux explorés. Il en résulte le fleuve Unda et l’archipel de Nantréal. Ce cadre géographique et topologique est empreint des connaissances récoltées, de la manipulation de matières et des réflexions développées tout au long de la résidence. Il constitue le cadre d’écriture de chacune des rubriques de la publication, organisées selon plusieurs typologies : explorations, enquêtes, retranscriptions d’entretiens, hypothèses architecturales & paysagères, récits fictifs.
~ Formats d’études et d’explorations ~
Exploration lexicale.
Explorations et expérimentations physiques des lieux : déambulation à pied, en vélo, transport en commun, kayak, bateau, navibus et traversiers sur la Loire et sur le Saint-Laurent.
Expérimentations sonores des distances : vibrations, prises de son, écoutes, amplifications.
Entretiens et récolte d’archives.
~ Formats de recherche & création ~
Immersion collective : prises, écoutes et montages de capsules sonores individuelles et collectives.
Immersion à terre : explorer son étendue, sentir son flux, ses remous, sa stagnation.
Mise à flot : dans les rapides et près des rives du Saint-Laurent, dans le flux des marnages de la Loire.
Cartographie du mouvement et des interfaces par des outils collectifs de carto-improvisations.
Cartographie, topographie et modelage de la terre, tournage, tournassage et cuisson de céramiques.
Productions de textes, dessins, montages sonores et vidéos, photographies et collages assistés par photocopieuse.
Carottages.
Retranscriptions.
> Tous les entretiens et les capsules sonores sont en écoute libre ici <
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Notre travail de recherche & création témoigne de la diversité et de la multiplicité des réalités qui ne recoupent pas toujours les enjeux et les problématiques identifiés par l’expertise scientifique, technique, historique, sociologique ou politique.
Par le choix de la forme du récit mêlant fiction et réalité, la publication papier UNDA, (ré)habiter le fleuve interroge l’injonction plusieurs fois répétée à (re-)donner du sens, à produire encore de nouveaux récits. Elle interroge ce renouvellement incessant des récits et des visions programmatiques.
Cette publication se veut objet critique, rendant visibles les enjeux des deux fleuvitoires à partir des milieaux hétérotopiques que décrit Unda.
Elle ne propose ainsi aucune nouvelle vision, six semaines est un temps trop court pour parler avec justesse de réalités ou seulement de projet. Unda n’est que le nom de ces milieaux entremêlés où se croisent fictions et réalités.
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